Lorsqu’on veut la guerre et qu’on y est décidé, on ne se contente pas de la déclarer, on l’engage. Ce qu’a fait Vladimir Poutine samedi en demandant et, obtenant bien sûr, le feu vert de ses députés à l’emploi de la force militaire en Ukraine n’est donc pas déjà d’ouvrir les hostilités.
Il n’en est qu’à faire monter les enchères et tester les réactions occidentales. C’est si vrai qu’il a accepté, hier soir, la proposition d’Angela Merkel d’ouvrir un « dialogue politique » sur cette crise avec un « groupe de contact » paneuropéen mais il n’en reste pas moins qu’une guerre peut toujours éclater, à chaque instant, au cœur du continent Europe.
Aux dirigeants occidentaux, Vladimir Poutine explique que son devoir serait de défendre les Russes et les russophones d’Ukraine qui seraient, dit-il, en danger – de quoi, on ne sait pas trop, mais en danger. Des troupes russes sont massées aux frontières orientales de l’Ukraine. D’autres ont déjà été envoyées en Crimée, c’est-à-dire en territoire ukrainien. Il sait, évidemment, que les Occidentaux ont tous les moyens de suivre ces mouvements de troupes en temps réel. On est dans une phase d’intimidation et de pressions mais, guerre ou paix, jusqu’où, et avec quels objectifs, cet homme veut-il et peut-il aller ?
Première hypothèse, il ne veut pas faire plus que remettre la main sur la Crimée parce qu’elle abrite Sébastopol, le port qui est loué à la marine russe par l’Ukraine et qui lui donne accès aux mers chaudes. Il veut sécuriser cette voie stratégique et réaffirmer, par la même occasion, que la Crimée est russe bien qu’elle ait été cédée à l’Ukraine, en 1954, par Khrouchtchev, à une époque où les frontières entre les Républiques soviétiques n’étaient que des limites administratives puisque l’URSS semblait alors une et indivisible.
Vladimir Poutine peut vouloir faire cela soit en créant -ce qui est fait- une situation dans laquelle cette réappropriation serait non dite soit, au contraire, en organisant une sécession de la Crimée qui demanderait, ensuite, à réintégrer la Fédération de Russie. Le problème, pour lui, est qu’il n’y a pas de continuité territoriale entre la Russie et la presqu’île de Crimée et que la tentation est donc forte, seconde hypothèse, de la créer en organisant aussi une sécession de tout ou partie des régions orientales et majoritairement russophiles de l’Ukraine.
A ce jour et cette heure, c’est là qu’on en est. L’histoire hésite. Elle hésite entre guerre et paix dans un moment d’extrême gravité dont l’issue dépend de deux choses. L’une est l’état de l’économie russe qui est si médiocre que Vladimir Poutine peut difficilement se permettre d’aller ruiner l’Ukraine où ses industries et ses banques sont très engagées et, encore plus, de risquer une rupture de ses échanges avec les Etats-Unis et, surtout, l’Europe qui lui achète la majeure partie de son gaz.
L’autre élément décisif est la réaction des Occidentaux qui doivent, tout à la fois, parler assez fort pour intimider le président russe et lui laisser miroiter la possibilité de sortir de cette aventure non seulement sans perdre la face mais également en consolidant sa position et celle de la Russie. Ce n’est pas simple et c’est ce qui reste très profondément inquiétant.